Jaunes

Une révolution citoyenne est en marche

Les mobilisations massives de ce 8 décembre ont montré que la communication alarmiste et menaçante du gouvernement a échoué. Le pouvoir et ses relais médiatiques en sont réduits aux mensonges les plus grotesques quant aux chiffres de participants aux multiples rassemblements organisés aujourd’hui en France. Ils se focalisent sur des chiffres d’interpellations qui ne visent à rien d’autre qu’à faire croire que le gouvernement a la maîtrise du processus en cours. Croyaient-ils que cibler dans une même répression violente des casseurs et une grande masse de citoyens défendant simplement leur dignité amènerait des gens qui n’ont plus grand-chose à perdre à baisser la tête ? 

Il n’en est rien. Le soulèvement des Gilets Jaunes regroupe tous les prémisses d’une Révolution citoyenne. Le peuple est redevenu acteur de son histoire en se révoltant contre un ordre inégalitaire, injuste et méprisant. Cette magnifique commémoration du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 démontre qu’il ne peut y avoir de liberté sans égalité, et que les droits politiques, économiques et sociaux sont indissociables. Emmanuelle Macron devrait y réfléchir s’il ne veut pas rester dans l’histoire comme une simple émanation de la marche arrière des libéraux contre la Liberté.

Le président et le gouvernement ont peur, mais sont incapables d’apporter des réponses à la hauteur des enjeux. Croyaient-ils de nature à apaiser la colère leur mépris initial dépeignant la masse des français en pollueurs patentés du fait de leur refus de payer la surtaxe  sur le carburant ? Alors que des millions d’entre eux n’ont doivent prendre leur voiture au quotidien en raison des inégalités territoriales provoquées par les politiques néolibérales. Alors que les recettes escomptées ne devaient pas aller à la transition énergétique mais au renflouement des caisses publiques asséchées par la priorité donnée aux plus riches qui, bien que polluant d’avantage, ont obtenu la suppression de l’ISF ou l’adoption de la Flat Tax, et aux institutions financières via le remboursement d’une dette largement illégitime. La convergence à Paris entre la Marche pour le Climat et les Gilets jaunes a rappelé que l’écologie sera sociale – écosocialiste – ou ne sera pas.

Habitués à saucissonner la réalité en tranches technocratiques, le pouvoir est inapte à comprendre que la révolte est globale. Ce soulèvement intervient après des décennies de laminage des syndicats et de tentatives de divisions des citoyens. Mais la notion de solidarité et la conscience d’être collectivement spoliés au profit d’une ultra-minorité de riches ont survécu au sein du plus grand nombre. L’injustice fiscale et la dégradation des services publics – deux questions liées puisque ça n’est pas le principe de l’impôt qui est contesté mais bien sa répartition et son utilisation injustes – font partie des rares questions qui pouvaient dès le départ unifier les luttes. C’est chose faite. Les colères s’agrègent les unes aux autres. Le peuple en action gagne chaque jour en puissance en agrégeant les revendications des lycéens, des ambulanciers, des personnels soignants, des agriculteurs, et ainsi de suite.

L’intensification de la répression est un aveu d’impuissance face à un soulèvement incontrôlable fait de petits groupes répartis sur l’essentiel du territoire national. Il est aussi abject d’imputer à l’opposition politique une responsabilité dans certaines violences qu’il est stupide de l’abjurer de contrôler les Gilets jaunes, comme le font les droïdes de La République en Marche et quelques arbitres médiatiques autoproclamés de la bienséance, inaptes à comprendre une colère qui n’avait jusque-là jamais atteint leur bulle. Personne ne peut contrôler un soulèvement populaire de ce type. Seules des annonces fortes du gouvernement, au moins en matière fiscale et salariale, seraient, peut-être, susceptibles de calmer la colère.

La balle est dans le camp gouvernemental, qui fait face à un dilemme. Céder sur l’essentiel l’obligerait à ruser avec l’ordre néolibéral européen et global qu’il défend. Pour l’heure il ne semble pas en être question. Bruno Le Maire a déclaré que les engagements européens de la France à baisser les impôts – comprendre « des riches » – les dépenses publiques et les déficits seraient maintenus. C’est pourquoi Edouard Philippe a par exemple annoncé que les 4 milliards non perçus du fait de l’abandon de la taxe sur le carburant seraient répercutés sur les budgets de collectivités territoriales, qui représentant pourtant près de la moitié de l’investissement public en France, et sont en charge de services publics essentiels dont les Gilets jaunes déplorent l’affaiblissement. Il est illusoire de vouloir « en même temps » calmer la colère du peuple souverain et rassurer la finance internationale. Quel symbole de ce point de vue que le choc des calendriers entre d’un côté le peuple français refusant d’être assigné à renflouer les finances par des tartuffes de l’écologie, de l’autre un président le sermonnant depuis le sommet du G20, l’un des temples d’un néolibéralisme international qui a, entre autres régressions, érigé l’évasion fiscale en sport mondial des riches. Sans même parler du renvoi cette semaine aux calendes grecques de toute ambition en matière de taxation des GAFA en Europe.

Notre rôle, en tant qu’insoumis, est de nous inscrire pleinement dans ce moment historique. Ne donnons aucune leçon doctrinale, mais échangeons, aidons en matière logistique et organisationnelle, participons à ce soulèvement en tant que citoyens à part entière. Ne soutenons pas les Gilets jaunes, soyons des Gilets jaunes ! Et rappelons, quand nous faisons face à ceux qui essaient de détourner la colère au profit de leurs névroses xénophobes, que ce qui se joue sur les ronds-points et les barricades est aussi notre rapport au genre humain. La libération des contraintes de la mondialisation néolibérale, qui passera notamment par le renversement des traités européens, n’est pas une option. Elle est une condition du recouvrement complet de la souveraineté populaire. Nul ne peut dire à ce stade si le soulèvement des Gilets jaunes aboutira à terme à un tel objectif, qui supposerait comme préalable minimal des élections anticipées. Mais plus rien ne sera comme avant. Le peuple français a relevé la tête.

Et il n’est pas seul. Les Gilets jaunes de Bassora en Irak, ceux de Belgique qui visent les institutions européennes, ceux d’Allemagne ou encore les Gilets rouges de Tunisie, du Burkina Faso et d’ailleurs manifestent pour l’emploi, contre la vie chère, contre la corruption, pour la dignité etc. Ils nous rappellent que la Révolution citoyenne s’inscrit dans une dimension internationale et que, par-delà les divisions que certains tentent d’ériger entre eux, les peuples du monde aspirent tous au Bonheur que leur refusent les oligarchies néolibérales. 

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