Macron en Chine ou le petit joueur de go

Le voyage de Macron en Chine a démontré une fois de plus que la France ne fait pas le poids et doit se limiter à faire de la figuration parmi les joueurs de go à l’échelle mondiale.

La prestation de Macron ne fut pas pire que celle de ses prédécesseurs, seules ses prétentions, à cause du contexte de guerre en Ukraine et de son ambition d’apparaître comme un messie « faiseur de paix », se situaient quelques crans au-dessus du train-train habituel.

On connaît en effet, depuis une quarantaine d’années, la figure imposée de ce genre de déplacement officiel : tout Président-voyageur s’envole pour Beijing escorté de toute sa clientèle de chefs d’entreprise et chargé d’un lourd sac à dos où s’entassent les contrats qu’il rêve de rapporter dûment paraphés et tamponnés comme autant de trophées. En général, c’est le but évident (et avoué malgré quelques effets de manche sur les droits de l’homme et les bienfaits de la démocratie) de ce genre d’expédition et celle-ci n’a pas failli à la tradition.

Macron pourra certes se prévaloir du fait qu’il a eu droit à deux rencontres, dont un dîner, avec le président Xi Jinping, ce qui n’est pas peu de chose. Si l’on ajoute à cela le fait que le Président Xi a entériné le projet d’une visite en France en 2024, peut-on dire pour autant que ce déplacement a été un franc succès ?

Cet accueil est sans doute le signe que la France dispose toujours en RPC d’un capital de sympathie dont d’autres pays européens ne peuvent se targuer : la République Populaire de Chine a la mémoire très longue et n’a pas oublié le geste décisif de De Gaulle qui l’a reconnue comme unique gouvernement légitime de Chine (et non celui de Chiang Kai-Shek sur l’île de Formose) avant tout le monde en janvier 1964.

À Macron venu proposer ses services pour seconder Xi comme « faiseur de paix », il fut répondu par des formules vagues, à savoir que la Chine aimait la paix et ne ferait rien de susceptible d’envenimer les choses entre Russie et Ukraine.

Il faut dire que Macron avait eu la fâcheuse idée de prendre, en bagage accompagné, la présidente de la Commission européenne dont la partition n’était écrite nulle part et qui bégaya son rôle faute de savoir ce qu’elle faisait entre deux Présidents représentant des Etats et des Nations.

Et pendant ce temps-là deux évènements autrement importants ont lieu. Le jour même de l’arrivée de Macron se déroule exactement au même endroit (au siège du gouvernement) la rencontre officielle et la poignée de main, sous leurs drapeaux respectifs placés côte à côte, des ministres des Affaires étrangères de l’Iran de l’Arabie saoudite. Se prépare aussi la manœuvre d’encerclement total de Taïwan comme réponse à la visite de Tsai Ing-wen, « présidente de la République de Chine » (nom officiel et néanmoins usurpé de Taïwan), aux États-Unis, où elle a rencontré Kevin McCarthy, le président républicain de la Chambre des représentants.

Événements d’une portée colossale à l’échelle mondiale qui ont, d’un seul coup, ramené le voyage de Macron à des proportions de déplacement d’un élu de chef-lieu de …(C)anton.

Puis il aborde dans l’avion de retour un thème peu évoqué lors de ses entretiens officiels : « Avons-nous intérêt à une accélération sur le sujet de Taïwan ? Non.

La pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur ce sujet et nous adapter au
rythme américain et à une surréaction chinoise ». Il a également déclaré : « Les Européens n’arrivent pas à régler la crise en Ukraine, comment pouvons-nous dire de manière crédible sur Taïwan : attention, si vous faites quelque chose de mal, nous serons là ? Si vous voulez vraiment augmenter les tensions, c’est le meilleur moyen de le faire. ». Bien vu Macron !

Soit un constat réaliste et lucide concernant l’autonomie stratégique de l’Europe par rapport à a situation en Asie, en totale opposition avec son attitude vis-à-vis de la crise ukrainienne.

Macron ne fait qu’amener de l’incohérence et de l’ambiguïté dans sa politique étrangère. Décidément le jeu de go est un jeu trop difficile pour Macron.

Danièle Hainaut et Pierre Boutry

Related Posts

Chine : 20e Congrès du Parti Communiste Chinois