Avenir

L’avenir en commun contre le libre échange et la préférence xénophobe

Plus qu’une semaine ! Plus qu’une semaine avant la fin du pensum de la primaire du PS & affiliés. Bientôt, enfin, on pourra passer au débat consacré au seul suffrage universel. Au passage, étonnons-nous une fois encore que cet exercice importé des Etats-Unis, forgé dans un bipartisme qui ne sera heureusement jamais parvenu à s’imposer ici, ait pris l’allure d’une campagne quasi officielle dans les principaux médias audiovisuels français. Au fait, que va dire le CSA à propos de la gigantesque avance prise par les Républicains et le Parti Socialiste dans le temps d’antenne ? Il est à craindre qu’il ne s’assoie sur l’équité ainsi mise à mal. 

On ne sait qui remportera cette petite primaire. Une chose est par contre acquise : assuré de jouer les seconds rôles, son vainqueur ne sera pas le candidat, ou l’un des candidats, du système et de la médiacratie qui l’alimente. Ces derniers ont un nouveau champion. Emmanuel Macron, car c’est de lui qu’il s’agit, a littéralement été propulsé à coup de « Unes » et d’éditoriaux pendant cette primaire comme naguère, François Hollande, bon dernier des sondages de la primaire socialiste de 2012, avait été pareillement promu en une semaine après le forfait contraint de Strauss Kahn. 

Macron ne se revendique pas de gauche, ni de droite, mais son double bilan, à la banque puis au gouvernement, en fait un candidat fiable pour les « socio » (on cherche en quoi) libéraux. Son projet porte même potentiellement la disparition du PS au profit d’une force « démocrate ». Ce que ne semble pas renier, d’après les rumeurs, un François Hollande. Qui s’en étonnera ? Hollande était déjà sur cette ligne dans les années 80 avec son club « témoins ». 

Macron, donc, ce parfait représentant de l’oligarchie financière, cherche à donner le change justement par la représentation qu’il donne de Macron candidat. Ce type de camouflage que Guy Debord avait anticipé dans la « Société du spectacle » et ses « fausses luttes spectaculaires des formes rivales du pouvoir ».

Car ne nous y trompons pas, il n’y ni différence de fond ni de nature mais juste, peut-être, de degrés entre Valls et Macron et entre Macron et Fillon.

C’est la même logique d’une société du tout marché, de la culpabilisation du pauvre, du chômeur, du salarié, le même travail de destruction massive de l’Etat social, la même politique de l’offre qui n’est que l’autre nom d’une vieille politique de classe, celle qui voit le capital se repaitre du prix du travail pour accumuler toujours plus ses graisses inutiles.

Voilà pourquoi Macron est devenu la roue de secours du système au cas, probable, où le neo-Thatcherisme trop voyant de Fillon ne passerait pas auprès d’un peuple qui reste rétif au néo-libéralisme. 

Bientôt la période de pré-campagne va donc s’achever. La campagne « réelle » va faire tomber les masques des faux anti-systèmes de confort. Il apparaîtra plus encore que parmi les candidats capables de l’emporter, seul Jean-Luc Mélenchon se différencie par son programme. 

Par exemple à travers la fin de la règle d’or et d’un libre-échange qui est le moteur de cette accumulation sans fin du capital dont l’UE est le maître étalon.

Jean-Luc Mélenchon est, là aussi, le seul à indiquer le moyen de sortir du carcan libéral des traités tout en préservant des coopérations entre les nations européennes. Il s’agit de la méthode du plan A/plan B dont le prochain sommet internationaliste aura lieu le week-end du 11 mars à Rome.

Aborder cette nécessaire rupture avec les actuels traités européens ouvre une autre confrontation avec le dernier adversaire de la présidentielle : Marine Le Pen et le Front National.  

Elle est fortement biaisée par cette même médiacratie qui au fond lui sert la soupe. 

Regardez ou écoutez l’interpellation de n’importe quel journaliste abordant avec nous en plateau cette question en présence – ou pas, d’ailleurs – d’un sbire de Le Pen : « vous envisagez la sortie de l’euro ? Mais alors, vous dites comme le FN ? ». 

Ce domaine de l’extension de la confusion ne s’arrête plus là, mais à des domaines inédits. Exemples récents: « vous êtes pour la retraite à 60 ans ? Alors vous dites comme le FN » , avant que la même bêtise ne fuse sur l’augmentation des salaires. 

Et qu’importe que Marine Le Pen ne soit pas pour le retour à la retraite à 60 ans. Qu’importe que son augmentation des salaires ne consiste qu’à donner aux salariés ce qu’elle leur aura prise dans l’autre poche sous forme de baisse de la partie socialisée de leur salaire que sont les cotisations sociales. Le mal est fait.  

Elle, et son parti, bénéficie au pire de la bienveillance, au mieux de l’ignorance de médias qui prennent pour agent comptant sa posture sociale au point même de lui en attribuer la paternité. Doit-on leur rappeler que dans les années 30, parti nazi en tête, les fascistes copiaient déjà le vocabulaire du mouvement ouvrier au service d’un tout autre projet ? 

Le reste est à l’avenant et simplifie à outrance le débat démocratique en faveur du FN. On en connaît la logique : si l’extrême-droite se veut nationaliste, c’est la preuve que la nation est d’extrême droite ; si l’extrême-droite se dit protectionniste, c’est bien la preuve que le protectionnisme est d’extrême-droite.

Ce n’est pourtant pas cela qui singularise le projet de Le Pen.

Ainsi sur le protectionnisme. Si le libre-échange est incontestablement le vecteur d’une compétition totale et planétaire, le protectionnisme permet des politiques contraires. Il est parfaitement possible de protéger une économie sans remettre en cause une politique en faveur du capital et du tout marché. A l’inverse, le protectionnisme peut servir à desserrer l’étau des marchés, de la finance et des profits au bénéfice des producteurs de richesse et au nom de l’intérêt général. Il peut permettre de relocaliser et réorienter son industrie dans le cadre d’une planification économique. Il peut être tout le contraire d’un repli nationaliste et favoriser des accords de coopération à partir de critères sociaux et écologiques, et même être mis au service d’une vision altermondialiste des rapports internationaux.

Bref le protectionnisme est un moyen. Il peut être le point de départ d’objectifs différents, voire opposés.  C’est au fond la même question que pour la monnaie.

Et la rentrée de Mme Le Pen a montré combien nos objectifs, comme nos valeurs et principes, sont assurément contraires. 

On ne peut être qu’étonné à ce propos du quasi silence médiatique et politique, à l’exception de Jean-Luc Mélenchon et de notre parti, qui a accueilli l’interview de Marine Le Pen dans le Parisien. Pour être sûr qu’il soit entendu, le thème premier et principal qu’elle y développe a pourtant été, depuis, rappelé par ses lieutenants et elle-même : haro sur l’étranger ! Le Pen père en eut fait autant que maints boucliers démocratiques se seraient levés.

De quoi s’agit-il ? 

Marine Le Pen propose que les étrangers payent les deux premières années de scolarisation de leurs enfants.  Dans une note de blog, François Cocq en a parfaitement résumé le résultat : on passe d’un enseignement gratuit, laïc et obligatoire à une école payante, ethnique et dérogatoire. Finie l’école rendue obligatoire depuis Jules Ferry (si l’école est payante, les parents ne peuvent être obligés d’y envoyer leurs enfants). Caduc le droit universel de l’enfant considéré comme un individu propre dont le sort n’est pas dépendant des caractéristiques et de l’origine de sa famille ou de sa communauté (ce qui est d’ailleurs contraire au principe de laïcité). 

Plus encore, l’école n’est pour Marine Le Pen qu’un exemple. Elle élargit en effet cette méthode « de carence » aux droits sociaux en annonçant qu’un travailleur étranger n’en bénéficiera pas pendant deux ans tout en payant ses cotisations. 

A quelle population s’étendront ces mesures ? Il y a deux mois, Philippot les réservait aux enfants de sans-papiers. En quelques semaines, cette « carence » s’est étendue à tous les nouveaux étrangers, les enfants sans-papiers étant eux immédiatement expulsés. A ce compte là dans un mois tous les étrangers vivant dans le pays seront concernés (5,5 millions de personnes au dernier recensement), sans compter qu’en supprimant le droit du sol au bénéfice du droit du sang, le FN transformerait de facto des millions de jeunes Français en étrangers susceptibles donc de pâtir de ces mesures. 

On peut également imaginer que le FN étendrait les champs d’application de cette préférence nationale qu’il entend constitutionnaliser. Il ne s’agit rien de moins que de remettre en question le préambule de la constitution de 1946 auquel personne n’a osé toucher. Elle s’appuie en effet sur les droits universels hérités de la Révolution française et de la victoire sur l’idéologie raciste du nazisme. Sans compter que la France dénoncerait du coup la plupart des accords internationaux signés en matière du droit de l’enfant ou de la protection des travailleurs par exemple. 

A cela, le FN réplique qu’il ne s’agit que d’une mesure pragmatique qui répond aux besoins de l’époque. La manipulation est grossière. En quoi la France de 1946, ruinée par la guerre et l’occupation, aurait-elle pu se permettre de « nourrir » des étrangers à peu près aussi nombreux proportionnellement qu’aujourd’hui, tout en inventant la Sécurité sociale pour tous les travailleurs, étrangers ou pas ? 

On devrait d’abord s’occuper de « nos pauvres » susurre aussi l’extrême-droite. Marine Le Pen pense-t-elle que le froid va distinguer la nationalité de celui qui risque de mourir ces jours-ci dans la rue ?

Pense-t-elle que la grippe le fera, elle qui propose de supprimer l’AME ignorant sans doute que laisser une population mal soignée est dangereux pour tout le monde, la contagion ignorant là aussi les origines des malades ? 

En réalité le FN ressort là les fondamentaux de l’extrême-droite. L’étranger est désigné comme responsable premier de tous les maux (« 1 million de chômeurs, 1 million d’étrangers » proclamaient les affiches des partis ancêtres du FN dans les années 30). Histoire d’oublier comment et pourquoi l’on meurt aujourd’hui en plus grand nombre du froid et de la grippe dans la 5ème puissance économique au monde, qui tient aussi le record en Europe des dividendes versées aux actionnaires. Rien de nouveau bien sûr, le FN jouant parfaitement son rôle de diversion et de diviseur : mieux vaut que les pauvres s’en prennent les uns aux autres pour laisser l’oligarchie financière continuer à capter toujours plus de parts de la richesse nationale.  

Ce qui est nouveau, c’est que cette politique d’exception et de tri ethnique n’indigne plus les beaux esprits. Elle rappelle pourtant combien le FN n’est pas un parti républicain et que s’il y a des bisbilles de palais en son sein, ce ne sont en rien des différences idéologiques. 

Là encore, qui d’autre que Jean-Luc Mélenchon s’y oppose sur le fond ? 

Qui d’autre, au final, peut empêcher un duel au second tour entre Mme Le Pen et un tenant du libéralisme ? A la préférence xénophobe des uns et au libre-échangisme des autres, nous opposons un avenir en commun. Il apparaît plus que jamais comme la seule alternative réelle pour le pays.